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23 February 2010

Saskatchewan

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SASKATCHEWAN


Octobre 2005 – 1606 kilomètres plus loin
Nous sommes entrés au Manitoba près d'un mois après être entrés en Ontario.Nous savions que le gros du voyage était fait et que les Prairies nous attendaient pour les prochains jours. Le Manitoba a donc été gentiment surnommé "la province salvatrice de l'Ontario", et nous avons eu plaisir à découvrir les petites communautés agricoles des Prairies et leurs capitales. On nous avait prévenu que le vent pouvait être assez terrible ici, et en effet, notre ami n'était pas vraiment prévisible. Il fallait négocier avec lui chaque matin, au sortir de la tente alors que le soleil commençait à éclairer les brins de blé, pour savoir comment allait aller la journée. 60, ou 200 kilomètres? Tout dépend du vent! Plus de montagnes ici, ce n'est plus un facteur de difficulté, c'est tellement plat et sans arbre que c'est à cet endroit que l'on est sûr que la Terre est vraiment ronde par la ligne d’horizon. Enfin, nous sommes sorti du Manitoba avec un premier signe de bonne volonté du vent qui nous soufflait dans le dos et nous voila déjà en Saskatchewan. Cette province fut hôte de plusieurs surprises. D'abord, notre plus grosse, longue et rapide journée avant d'arriver à Régina ; il y a eu Régina, où nous avons fait de très belles rencontres et finalement, il y a eu cette énorme tempête qui nous a secoué alors que nous étions déjà à la fin de la province. La Saskatchewan, pour nous, évoquait un grand champ plat infini. En effet, il y a des champs à perte de vue, mais ceux-ci voguent sur des houles de terre qui vallonnent à n'en plus finir. La solitude des grands espaces est venue nous chercher, et c'est finalement poussé et/ou repoussé par un vent un peu et/ou beaucoup fou que nous nous sommes retrouvés en Alberta, détrempés.

Du journal de bord :

@ 13 août : La réparation tardive du vélo nous a convaincu de rester une journée de plus.

@ 14 août : Petite journée, grand vent. Pourquoi se presser quand tu as un minimum de 25 km/h de vent dans la face? Arrêtons-nous sur le bord du chemin. Mathieu a craché sur Etienne, aidé par le vent. On a acheté du pain rassi.

@ 15 août : Discussion avec un farmer.

@ 18 août : Journée de douceur pour les fesses et les cuisses. Repos et pique-nique avec Tabitha et lumberjack, grosse pizza à 4 et film d’horreur. Ah, Régina, je t’aime.

 

jeudi 18 aout, jour 79, 4829 km, Regina (SK)

Bonjour!

Nous sommes restés une journée supplémentaire à Winnipeg car le vélo de Mathieu n'était pas prêt avant 14h. Cela a valu la peine, car en soirée, nous avons eu droit à une belle discussion interculturelle autour d'une table composée d’un anglais, une anglaise, une allemande, une japonaise, un français, un nigérien, un canadien... et deux québécois!

Après cette excellente soirée, nous avons pris la route le lendemain, mais le vent était tellement fort que, après 60 kilomètres, nous nous sommes trouvé un beau coin près de la voie ferrée (qui suit la petite route secondaire que nous empruntons et n'avons vu aucun train passer depuis) pour planter notre tente et profiter de cette grande solitude. Il est quand même impressionnant de voir, en sortant de la tente au petit matin, l'horizon qui n'en fini plus, le soleil qui se lève doucement, faisant varier les couleurs des nuages et éclairant fragilement les grandes étendues cultivées, entrecoupées par des mottes d'arbres où se cache une maison, son pick-up et son tracteur. Personne ne nous a dérangé cette soirée-là, et nous avons retenté l'expérience le lendemain, 110 km plus loin. Cette fois-ci, un peu moins rustique, sur un beau gazon frais coupé à côté d'un monument soulignant le fait qu'il y avait une école ici autrefois. Cette fois-ci, un fermier est venu nous jaser, bien content d'avoir des outsiders avec qui faire la conversation. Nous en avons appris beaucoup sur l'environnement et le mode de vie des gens d'ici, des petites fermes immenses qui doivent se battre contre les géants de ce monde, du fait que les gens ici ne se pressent pas avec la vie, etc. Les vaches d'à côté nous ont rendu visite, très près de nous, intriguées par notre souper et voulant savoir ce qui se tramait ici.

Après une nuit fraîche et dispose, un autre décor infini, teinté orange par le soleil, mais oh! surprise, l'image est fixée, immobile. Le vent a disparu! Vite, nous remballons tout et nous profitons de ce temps pour s'avancer un peu. Le temps est nuageux, les champs se succèdent et tout d'un coup, le soleil se pointe le bout du nez. En même temps, des centaines de papillons blancs sortent du sol, comme s’ils ne fonctionnaient qu’à l’énergie solaire. À notre gauche, une plantation de tournesol, orientée vers ce nouveau soleil, un champ de blé derrière, et une grande lignée de wagons arrêtés sur la voie ferrée. Notre vitesse passe de 22 à 30 km/h, nous essayons de nous faufiler à travers tous ces papillons, mais nous ne pouvons éviter les inévitables collisions. Le décor est majestueux, nous nous demandions si nous ne marchions pas, nous aussi, à l'énergie solaire.

On a remarqué plus tard que le vent soufflait dans notre dos. C'était plutôt ça.

Et nous voilà qui flotte sur la route, poussé par ce cher vent d'est apparu miraculeusement. À peine quelques centaines de mètres avant d'arriver dans une petite ville nommée affectueusement Souris, Etienne entend un gros « toc » et le vélo a de la difficulté à avancer. La fixation du porte-bagage s’est plantée dans les pignons de l’engrenage arrière.
« Faut la vérifier cette vis-là » que Mathieu me dit. Bien évidemment, tout le monde sait ça.
On enlève donc tous les bagages et on regarde. Ce n'est pas le porte-bagage qui a lâché mais ce qui le tient, le petit œillet directement sur le vélo. Notre petit multi-tool ne voulant pas enlever la vis, on a donc tout fixé avec du tape gris (auquel nous commençons à être très dépendant), et on s'est rendu dans un garage trouver un tournevis gigantesque pour régler la situation. Par chance, il y avait une autre place pour fixer le porte-bagage, et après une bonne heure à ne pas profiter du vent de dos, nous revoilà parti avec en tête d'entrer en Saskatchewan. On change d'heure en entrant, alors cela nous permettra de rouler une heure de plus, finissant la journée en brisant le record de distance et de vitesse, avec 185 km à 25,8 km/h. Nous nous permettons un camping ce soir-là, le premier, depuis Winnipeg. On méritait bien une douche. Mais quel désappointement d'apprendre que tout le village de Redvers était privé d’eau dû à un bris d'aqueduc. Pas de douche... faudra s'y faire.

Nous avons très vite oublié le lendemain que notre hygiène ne respectait pas les normes ISO 9001 en sentant le très froid mais très puissant vent d'est qui nous a poussé toute la journée... ou presque. Quelle sensation nous avons en maintenant une vitesse tournant autour de 35 km/h pendant des heures, à traverser des champs beaucoup plus grand et désert qu'au Manitoba, sur une route où une voiture passe aux 5 minutes sinon plus! Ce n'est vraiment pas le même genre de voyage quand nous avons le vent dans le dos!

Après avoir traversé un nuage de bébé mouches qui sont sorti de nul part et qui se sont collées partout sur notre devanture vers 18h, alors que le ciel devenait gris et que le vent ne nous aidait plus, et après avoir traversé un énorme nuage de poussière qu'un tracteur créait dans un champ, nous voilà à Regina, à l'auberge de jeunesse, dans la douche.

Nos beaux records de la veille ont été rebattus, nous avons aussi battu l'ancien record de durée datant du Nouveau-Brunswick, faisant 244 km en 8h26min à 28,9 km/h.
Vive l'eau... et le savon.

Etienne et Mathieu

 

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À propos de ce blogue

Canada en vélo - correspondances 2005

14 décembre 2009 - Il y a quatre ans jour pour jour, mon ami Mathieu et moi revenions d’un voyage qui nous a fortement influencé physiquement, socialement, émotivement : la traversée du Canada en vélo, de St. John’s, Terre-Neuve à Victoria, Colombie-Britannique. Dans une époque où les blogues étaient encore peu connus, où le Web 2.0 et réseaux sociaux étaient des termes inconnus, nous communiquions avec nos proches en courriels de groupe, ou newsletter. Dans un but de rééditer ces courriels avant qu’ils ne se perdent dans le néant, sans cacher le désir de me remémorer une étape importante de ma vie et de la faire connaître aux gens que j’ai connus depuis et ceux qui passeront par ce blogue, vous trouverez hebdomadairement, pour les 15 prochaines semaines, une synthèse des correspondances effectuées et de nos aventures, le tout, bien sûr, agrémenté de photos.

Auteur

Etienne Théroux

J'ai commencé mon voyage à Québec, dans une petite banlieue qui m'a vu grandir. J'ai ensuite, entre autre, étudié en arts littéraires, exploré mon pays à dos de vélo, travaillé au pays des kangourous et j'étudie maintenant... en tourisme, à Montréal. Pour moi voyager c'est vivre des expériences, découvrir des gens et des cultures.

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