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1 March 2010

Alberta

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ALBERTA

 

Octobre 2005 – 1054 kilomètres plus loin

L'Alberta a été une première fin de voyage lorsque nous avons atteint Calgary. C'est à partir de ce point que nous avons pris le temps de s'arrêter plus longtemps/plus souvent. Nous avons passé 15 jours en Alberta, mais nous en avons pédalé que 6, le reste du temps étant passé chez Stephen et Dawn en banlieue de Calgary et à Banff. C'est ici que nous avons été charmé par les Rocheuses, paysage grandiose que nous avions hâte d'admirer depuis le début du voyage. Nous avons changé d'élément assez rapidement, passant des vastes plaines aux hautes montagnes aux pics enneigés, et nous en avons profité pour explorer ce territoire nouveau, tout en prenant le temps de fêter un brin... hé bien... plusieurs brins.

 

lundi 29 août 2005, jour 90, 5585 km, Okotoks (près de Calgary) (AB)

Voilà nos extraits de journal des derniers jours…

20 août

Nous sommes encore à Regina, mais cette fois-ci chez un ami que nous avons rencontré au Québec, qui traversait le Canada dans l'autre sens. Il nous a gentiment accueilli chez lui, et nous a fait visiter la ville avec ses amis et la jolie Laura. On a même joué au golf, un baptême pour Etienne qui a fait un birdie. Mais toute bonne chose a une fin, il faut reprendre la route... un long bout avant Calgary!

22 août
Ce n'est qu'en parcourant au gré du temps les plaines que l'on peut débuter à les comprendre, ces grandes étendues de terres où rien ne semble pouvoir les contrôler, malgré le dévouement acharné des cultivateurs. Une vaste région où l'homme n'a su que les utiliser sans les dompter. C'est avec elles que l'on apprend le silence et le temps. Chaque seconde se fait sentir ici. Les quelques personnes qui y vivent ont depuis longtemps appris à les respecter. Ils vivent à leur dépend et savent que chaque année, chaque jour, chaque seconde de leur existence est lié aux humeurs de cette mer de terre. Un océan terrestre qui n'a qu'un seul ami et égal: le vent. En ces lieux, on peut ressentir la solitude, le vide, l'infime que l'on est. Ici, il est aisé d'y perdre son chemin, ses humeurs, ses frustrations. Ici, on peut enfin se regarder et se découvrir, se parler et se comprendre, se haïr et s'aimer. Devenir. Ici, tout a une place, tout ne fait qu'un, sinon tout est rien. Le temps est inscrit en millénaire sur chaque dune, sur chaque roche. L'homme n'y est rien, une force immense se dégage des terres et du vent. Les plaines nous tolèrent et on les remercie. On comprend que l'homme, avec ses villes et ses maisons, n'a su que se cacher, s'isoler des forces, des puissances qui le dominent. L'homme a encore beaucoup à apprendre de la terre, et pourtant on agit comme si elle nous était destinée et soumise. Ici, l'homme n'a su que faire semblant d'y être roi. Car bien qu'ils acceptent cette fausse gloire, le vent et la terre y sont bel et bien souverain. Nous ne faisons que traverser et pourtant le savoir qui s'y trouve y est infini. C'est en voyant ces grands espaces comme la Saskatchewan que l’on peut comprendre ce qu'il y a à apprendre du désert, des océans et du vent. Leurs vécus et leurs sagesses nous englobent.

23 août
La Saskatchewan tirait à sa fin. Nous vagabondions sur ses petites collines désertes. Nous en avons profité un peu pour courir dans les champs de blés. Il ne restait qu’un dernier tronçon désert de 40 kilomètres entre l'information touristique de la Saskatchewan et les limites de l'Alberta. Le vent nous était si favorable, nous ne savions pas trop si nous devions continuer et prendre la route ou rester au camping tout près en voyant au loin l'immense rassemblement de nuages.
Finalement, on continue.
Des éclairs rejoignaient le sol au loin : plus nous pédalions, plus nous savions que nous allions rejoindre cet orage. Derrière nous, un beau ciel bleu; à gauche, de petits nuages blancs inoffensifs et à droite, du orange brillant sortant des nuages gris.
On voit partout ici... et loin.
Devant, des nuages si bas qu'on pourrait presque les toucher. Au loin, le mur de pluie; nous avions beau pédaler depuis un bon bout, nous ne l’atteignions pas.
On voit tellement loin.
Et nous y voilà, le vent de dos qui nous poussait à 35 km/h, air aspiré par l'orage, change de direction à l'ouest, puis au nord, dès qu’une grosse pluie s'abat sur nous. Nous n'y voyons plus rien, les voitures s'arrêtent sur l'accotement, nous reculons jusqu'à une, nous plaçons nos vélos derrière et entrons nous y réfugier, merci au conducteur. Deux minutes plus tard, la grêle se met à tomber. Après plusieurs minutes à entendre le vacarme de ces noix de glace tomber sur le toit de la voiture, balancée par le vent latéral, nous revoilà sur la route, après quelques minutes à se crier à travers le vent ce que nous pourrions bien faire pour se sortir de la situation. Il faut bien prendre une décision. Quelques gouttes tombaient seulement, il y avait un ciel indescriptible, le vent venant d'ailleurs, aspiré par un autre orage lointain qui nous a aspergé quelques minutes avant d'arriver à Walsh, premier village albertain.
Vite, vite, rouler à toute vitesse pour éviter l'averse, on la voit venir par le champ de blé à deux couleurs : blé mouillé et blé sec, blé mouillé fini par couvrir le paysage et l'emporte.
Rien à Walsh, on ne veut pas de nous ici, la femme du magasin général/camping ne veut pas nous laisser dormir ici, sous prétexte que l’on se ferait foudroyer sous un arbre, pas d’hôtel, personne au magasin général ne veut nous héberger et on nous regarde comme si nous étions des extra-terrestres. Il est 18 h, nous attendons la fin de l'averse pour nous rendre à Irvine, 15 km plus loin, dans des vents extrêmes, et plus d'une heure plus tard, nous voilà dans un motel miteux mais si réconfortant, au sec, à prendre notre shooter de la Saskatchewan.

25 août
Deux journées de vents extrêmes, la première avec une désagréable pluie froide. Il faut prendre notre temps, mais nous avons hâte de voir Stephen et les Rockies, alors on persévère.

26 août
Comme il est rendu de coutume de sprinter avant d'arriver dans les grandes villes, nous voilà à Calgary en 171 km. Les montagnes nous sont apparues au loin, bien au loin, à 105 km de Calgary. Nous y voilà... enfin, presque!
On dort, on mange, on boit à Okotoks, 20 kilomètres au sud de Calgary, chez Stephen, le trucker qui nous a transporté à Terre-Neuve pour se rendre au bateau. C'est la belle vie!

29 août
Nous sommes vraiment gâtés par Stephen et sa femme. Leur but est de nous nourrir assez pour traverser ces montagnes. On va être prêt! À partir de maintenant, c'est le mode relax et tranquillos qui commence, nous allons nous déplacer beaucoup moins rapidement et profiter des montagnes. Il y aura probablement plus de jours où nous ne pédalerons pas que le contraire dans les prochaines semaines... il ne faut pas arriver trop vite à Victoria!

 

mardi 6 septembre, jour 98, 5758 km, Banff (AB)
Bien oui, depuis le 27 août, pendant ces 11 jours, nous n’avons fait que 173 km. Nous avons pris notre temps et avons joué les touristes. Nous sommes tout d'abord restés 2 journées supplémentaires chez Stephen afin de continuer ces journées remplies de confort et de repos… et d’alcool. Ensuite, nous avons repris la route vers Banff et avec l’effort de redevenir cycliste et de traverser cette ville si… car-friendly que nous nous y sommes rendus en 2 jours. Rendu à Banff, nous avons profité de ce qui s'offrait à nous. Lit, cuisine, amis, paysages, montagnes, hot spring, épicerie et vacances. Nous avons donc pris cela de façon détendue et reposante, ce qui signifie que nous avons travaillé 4 jours à raison de 4 heures par jour pour avoir une nuit gratuite à chaque soir, ce qui diminuait grandement nos dépenses. Sur ces 4 jours, nous avons monté le mont Sulphur, qui est une des plus hautes montagnes autour de Banff et pour redescendre, nous avons pris la gondola pour admirer d'un autre point de vue la ville qui se trouvait en dessous de nous. Rendu à la base, nous nous sommes dirigés vers les hot springs pour y apprécier une piscine-spa et relaxer nos muscles qui ont bien travaillé. Nous avons aussi visité cette charmante ville et nous avons fait quelques connaissances en fêtant à l'auberge. Puisque nous n'avons pu nous rendre à Jasper en tour d'autobus car tout était réservé pour la semaine, notre prix de consolation a été une randonnée guidée du Lac Louise, Lac Moraine et montée jusqu'au col de Sentinel Pass. Pas à plaindre. Une journée remplie de panoramas extraordinaires, d'eaux d'un bleu et d'un vert dignes de dessins animés et une impression que nous sommes bien petits dans ce monde. Toutes ces journées se sont finies avec une bonne bière entre amis à bavarder et à se coucher tard. Maintenant que nous avons pu faire un peu la connaissance de Banff et Lac Louise, nous repartons pour ne s'arrêter que dans la vallée de l'Okanagan
À la prochaine!
Mathieu et Etienne

 

Meilleur souvenir Mathieu : L’entrée dans les Rocheuses : par une journée claire et belle, on sous-estime souvent la portée de notre vision. Bien que les rocheuses étaient visible depuis 2 jours, on se demandait quand nous allions pénétrer dans ce mur de roches, qui semble se dresser comme un rempart qui protège de tout. Nous avons pu voir la jolie faille que nous allions prendre, l'entrée fut grandiose car à ce moment tout est petit. Les voyageurs du temps ont eu beaucoup d'audace de s'aventurer dans cette forteresse naturelle. 
Meilleur souvenir Etienne : Avec du recul, un moment mémorable : tout d’abord, le vent si puissant qui nous a ramené vers une voiture dans la tempête, sans pédaler, et ensuite, les 2 minutes à s’engueuler avec Mathieu pour arriver à s’entendre comment on continuait la route alors que le vent nous sifflait aux oreilles.

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À propos de ce blogue

Canada en vélo - correspondances 2005

14 décembre 2009 - Il y a quatre ans jour pour jour, mon ami Mathieu et moi revenions d’un voyage qui nous a fortement influencé physiquement, socialement, émotivement : la traversée du Canada en vélo, de St. John’s, Terre-Neuve à Victoria, Colombie-Britannique. Dans une époque où les blogues étaient encore peu connus, où le Web 2.0 et réseaux sociaux étaient des termes inconnus, nous communiquions avec nos proches en courriels de groupe, ou newsletter. Dans un but de rééditer ces courriels avant qu’ils ne se perdent dans le néant, sans cacher le désir de me remémorer une étape importante de ma vie et de la faire connaître aux gens que j’ai connus depuis et ceux qui passeront par ce blogue, vous trouverez hebdomadairement, pour les 15 prochaines semaines, une synthèse des correspondances effectuées et de nos aventures, le tout, bien sûr, agrémenté de photos.

Auteur

Etienne Théroux

J'ai commencé mon voyage à Québec, dans une petite banlieue qui m'a vu grandir. J'ai ensuite, entre autre, étudié en arts littéraires, exploré mon pays à dos de vélo, travaillé au pays des kangourous et j'étudie maintenant... en tourisme, à Montréal. Pour moi voyager c'est vivre des expériences, découvrir des gens et des cultures.

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