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Ce reportage fait partie du dossier Du jamais vu en MÜVement

Le Yukon: récit d'une aventure

Par : AnnMa

Le vidéo sera disponible dans un moment. Merci de patienter.
Assurez-vous d'avoir au moins la version 9 de flash installée sur votre ordinateur.

Au mois d’août, la nuit se fait encore rare dans le territoire du Yukon. La clarté est présente durant presque 20 heures. Cette perspective me laisse croire que c’est le paradis sur terre mais le revers de la médaille sous-entend qu’il y a également un mois où la nuit dure une journée presque complète. En décembre, on profite d’une période quotidienne de soleil de quatre heures et demi. La période d’ensoleillement au Yukon est un élément de dépaysement total. Ça a marqué mon voyage. Mais pas autant que les bisons gangsters, les douaniers solitaires et les mouches victorieuses…

Rencontre privilégiée sur la route du Nord

Parfois une immense nature morte, parfois montagneux et sinueux, le Yukon représente l’endroit parfait pour observer la vie sauvage. Les troupeaux de bisons par exemple. Ils se tiennent près des rues. Ils ne changeront pas leur route en vous voyant arriver. Croyez-moi, vous ne voudriez pas vous obstiner avec ces grosses bêtes. Sur la route vers Whitehorse, près de Watson Lake, ils étaient cinq. Dont un qui a décidé de nous tenir compagnie. Je ne suis pas encore convaincue que c’est la compagnie qui me rassure le plus. On dirait les membres d’une gang de rue. Le genre de gang qu’on ne veut pas côtoyer de trop près parce que ses membres ont l’œil sur le territoire qu’ils se sont appropriés en s’assurant de repousser tout intrus. Bon. Le bison était là, une énorme boule de poil à deux cornes pas préoccupé pour deux cennes par les centaines de mouches qui l’entourent. Il vagabondait tranquillement à côté de moi qui étais un peu tendue dans l’auto. Je pense qu’il voulait nous accompagner « gentiment » jusqu’à la sortie de ses terres. Il a un air de je-m’en-foutisme qui dit : je suis sur mon territoire, tu es le visiteur, reste tranquille et je ferai pareil. C’est pas sexy, mais ça a du style. Les autres gangsters étaient un peu plus loin, pour couvrir ses arrières. Le bison-guide a ensuite traversé la rue devant nous à trois reprises. Peut-être était-il rendu en terrain méconnu. Il a par la suite passé du côté conducteur pour retraverser derrière. Le pauvre. Il avait soudainement pris les allures d’un homme de taverne un peu trop saoul qui essayait de retourner chez lui sans succès. Plus tard, j’ai compris que ce n’est pas anormal, dans ce coin de pays, d’être saoul à 2h de l’après-midi un jour de semaine.


Je dis ça parce que je suis arrivée à Dawson vers midi, par une belle journée ensoleillée du mois d’août (ce que Québec n’a pas vu de l’été). C’est une petite ville de 1 800 habitants bornée par le fleuve Yukon et par quelques montagnes. Quand on y est, on se sent 100 ans en arrière. C’est que les infrastructures n’ont pas changé. Elles ont toutes conservé leur charme d’autrefois. Les commerces colorent la rue principale de manière foudroyante. Les enseignes faites de bois flottent au-dessus de nos têtes. Les voitures roulent sur les routes de terre et les gens semblent tous se connaître. On est les intrus de la place. Les regards se tournent vers nous lorsqu’on franchit la porte d’un café, le seul de la place. Et ça recommence à jacasser quelques secondes plus tard en voyant qu’il n’y a pas de nom sur nos visages. Une Française est contente de nous raconter qu’elle travaille à Dawson pour l’été. Elle s’occupe d’un terrain de camping où nous irons piquer notre tente plus tard. Elle adore l’endroit. « Il y a toujours quelque chose qui se passe ici. Ça n’arrête pas. » Difficile à croire lorsqu’on fait le tour de la ville en 30 minutes. Mais c’est, pour moi, un rêve qui devient réalité. Tout est parfait. On se sent loin de chez nous. On marche dans la ville. Une femme dans la trentaine parle fort avec un vieux monsieur barbu. Ils sont à la porte d’un bâtiment blanc et bourgogne orné de fleurs. Les deux sont saouls. La femme vient me parler trop près en me disant à quel point mes cheveux sont beaux. Habituellement, les gens aiment bien les têtes de tresses, mais pas au point de me prendre deux fois dans leurs bras. Le pire : elle veut me présenter à ses amies. Merde. Pendant que mon copain est concentré à essayer de comprendre ce que le vieux barbu tente de lui dire, madame m’amène à l’intérieur du bar par la main. À l’entrée elle crie : « EVERYBODY!!!!!! LOOK AT HEERRRR HAAIIIRRRR!!! » Elle a les deux bras en l’air et son dos se courbe tellement elle crie. La honte. Les quelques femmes autour de la table n’ont sûrement pas eu le temps de se retourner pour admirer le spectacle. J’étais déjà sortie.

Les caribous et les douaniers

Je reviens à mon exploration de la vie sauvage. Après les bisons, il y a les caribous.  Je les ai vus en gros groupe, sur « the top of the world highway », la route reliant l’Alaska et le Yukon. Ils sont stressés, mais beaucoup plus gentils et mignons que les douaniers solitaires qui sont plantés au milieu de nulle part sur cette route. Parenthèse : c’est dommage que ces travailleurs soient sur une aussi belle route parce que leur humeur de merde gâche un peu le voyage. Et pourquoi tiennent-ils à savoir à tout prix de quelle façon on a gagné notre argent pour nous permettre une escapade aventurière? Non mais… On est deux dans l’auto. Un couple qui écoute de la musique typique du Yukon dans un minuscule véhicule motorisé où mes pieds sont ensevelis de romans et quelques livres de sudokus.  Sur mes genoux reposent une petite assiette avec des biscottes où j’essaie vainement d’ajouter du thon vietnamien épicé. Vraiment, ça me dépasse. Est-ce qu’on a l’air louche?

L’ours : bête de scène

Et puis, il y a les ours. Assez nombreux dans la région, vous pouvez, avec un peu de chance, les observer longtemps pendant qu’ils trottent d’un bord et de l’autre de la route. Au Yukon, le mot « chance » signifie : que votre automobile est assez petite pour ne pas lui faire peur et que vous n’êtes pas suivi de trop près par un motorisé. Parce qu’en vous voyant tout fébrile sur le bord de la route en train de prendre des vidéos, le mastodonte (ici le véhicule récréatif) va s’arrêter juste devant vous pour bloquer  le minuscule et miraculeux champs de vision que vous bénéficiiez, qui était, soit dit en passant, une chance inouïe qui ne se reproduira peut-être jamais. Le privilège de voir ces bêtes si convoitées ne dure jamais bien longtemps. De là l’importance de profiter de chaque moment.
Révélation-choc : Ces maisons-sur-quatre-roues sont les 2e en importance sur les routes du Yukon, après les 4X4. Si les premiers profitent de leur grosseur pour monopoliser le champ de vision, les deuxièmes ne cesseront de vanter les exploits viriles de leur Louis-Cyr-mobile en roulant à 120km/h sur les routes de gravier et de roches. Ça les amuse. Pour une Kia Rio 5, de la grosseur d’une peanut, qui est dans l’obligation de passer à côté de monsieur-je-suis-le-plus-fort, c’est pas la joie. Je crois que la modestie a bien meilleur goût, mais dans ce cas, j’avais le goût de leur sauter au cou. Si vous voulez voyager léger, il faut peser le pour et le contre. Pour avoir droit à une vue du tonnerre ou rouler plus pour voir plus, vous allez goûter au prix de l’essence à 1.75$/litre.

La tente : un investissement incomparable

Je soutiens ici que l’avantage de la tente est quand même considérable. Rare sont les gens qui décident d’aller faire du camping sauvage dans le Grand Nord. C’est tellement vrai qu’on trouve toujours un terrain libre pour une tente. Et les prix n’augmenteront jamais parce qu’il n’y a aucune demande. Vous pouvez attendre à minuit pour aller chercher votre terrain de cailloux gros comme ma main pour planter votre tente. Il vous attendra. Et vous allez probablement miteusement dormir entre deux mastodontes qui vous couperont le champ de vision. Dans ce cas-ci, je peux les remercier avec un peu de retenue. Mis à part le fait qu’on avait l’air d’une crotte entre deux châteaux, au Yukon le soir, il fait clair. Ça nous a donc permis d’avoir un peu d’ombre et de dormir en paix.

L’homme vs les mouches

Et puis, plus que jamais, avec une tente, on a la compagnie fidèle et incessante des mouches (il n’y avait que du sarcasme dans cette phrase). Une fois, c’est pas la fin du monde. Mais quand on est au point de faire un top 10 des terrains de camping où il y a des bibittes, c’est la merde. Elles sont partout. Dans la soupe, dans les concombres, dans le coin de l’œil, dans la tente. C’est atroce. À notre grand désespoir, c’est une guerre qui ne finit plus où nous connaissons les gagnants avant d’arriver sur les lieux du combat. Tellement qu’à la fin, on préférait se livrer et se faire piquer en espérant qu’elles nous foutent la paix. J’ai eu une pensée sympathique pour monsieur-le-bison-accompagnateur-trop-saoul-entouré-de-mouches. Avec une couple de bières, j’aurais pensé qu’on est de la même famille. Pour une mouche, un bison ou un homme, c’est une énorme proie attirante ET ELLE NOUS A TOUT LE TEMPS! C’est gênant d’être les victimes d’aussi minuscules choses-volante. C’est grave quand c’est rendu normal d’observer ces bibittes qui nuisent à l’existence se poser sur notre peau et se gonfler de sang. On observe les ours, pas les mouches. Les bouteilles de off devraient être  étiquetées « nous ne sommes pas responsable de la non-efficacité du produit dans les territoires du Nord ». Quand on cohabite avec les mouches; que notre toit devient le leur et qu’on fait à manger pour 60, endurer l’humeur des douaniers devient un moment doux et agréable. C’est une tristesse du monde que ces bibittes aient survécu à la sélection naturelle.

La révélation de l’année : les chèvres de montagne

Une observation de vie sauvage assez comique est celle des chèvres de montagnes. Sûrement parce qu’elles n’ont pas l’air sauvage du tout. Laissez-moi vous expliquer. Elles sont belles et ont un air angélique. J’en ai vu quatre sur le haut d’une falaise. Toutes à une vingtaine de mètres les unes des autres. Chaque bête a une pose différente. On se croirait à la première d’un film hollywoodien. Les vedettes sont là, à se pavaner sur le tapis rouge en acceptant avec joie tous les flashs des appareils photo. Bien évidemment, devant un aussi beau spectacle, inutile de dire qu’on ne peut détourner le regard. Des vraies reines de beauté. Je parie qu’elles s’étaient levées ce matin-là en se préparant gracieusement à une longue journée de photos et d’admirateurs. Elles se sont installées sur une scène surélevée pour ne quand même pas permettre à la horde de fans les laisser les toucher, mais parfaites pour leur permettre de prendre les plus belles photos. Elles ont pris leur pose gagnante et voilà, le tour est joué. Une nous laisse voir son dos tout lisse avec un regard ébloui par le soleil, l’autre imite la posture de Kate Moss dans les grands magazines, la troisième préfère dévoiler ses jambes de déesses, et l’autre nous fixe avec son regard de biche. C’est hallucinant. Je présume qu’elles n’ont pas bougé de là jusqu’à la fin de leur 9 à 5.

Moment de réflexion

Le Yukon, c’est merveilleux. Avant le début de mon voyage, j‘avais l’intention de m’y rendre pour prendre des notes sur tout, avec des statistiques et des témoignages à couper le souffle. J’ai lu des tonnes de documents sur l’endroit. Parce qu’habituellement, pour qu’un reportage soit excellent, c’est ce qu’il faut. J’aurais voulu convaincre la Terre d’y aller. Maintenant que je l’ai fait, je préférais parler au « je » et vous partager mon moment. La beauté du voyage, ce n’est pas nécessairement ce que le territoire est textuellement mais plutôt comment chacun de nous s’y sent. Comment on le vit. De quelle façon on l’apprécie. Et pour chaque personne, c’est différent. Une chose est sûre : les merveilles ne vous sautent pas aux yeux. Vous les apprivoisez tranquillement. C’est dans la patience et l’émerveillement pour chaque élément de la nature que vous en serez chamboulé. Il ne faut pas se sentir convaincu d’y aller comme si c’était un film qui se déroulait devant vos yeux. Le Yukon doit être un rêve où vous êtes l’acteur qui part à l’aventure dans une terre vierge et sauvage. La suite, vous seul le saurez.

Souvenir enivrant de Whitehorse

Quelques jours plus tard, on s’arrête à Whitehorse. Il fait 30 degrés. Ben porte avec fierté et à mon grand désarroi sa tuque bleue poudre avec un mélange de jaune-brun qu’il a acheté à Muncho Lake, une des plus belles régions du Yukon (la tuque n’est aucunement représentative de la beauté de la place, mais ça, c’est mon opinion). On se gâte et on va manger une crème glacée chez McDonald’s. (Au Québec, les McDo, on ne les voit plus. Au Yukon, quand on en croise un, on s’arrête. ) C’est une jeune native du Yukon qui nous répond à la caisse. Peut-être a-t-elle reconnue notre accent, peut-être que notre anglais laisse à désirer, toujours est-il que mademoiselle nous a parlé français. Elle est allée à l’école francophone de Whitehorse et se débrouille très bien. Plus tard, c’est une jeune grand-mère québécoise qui nous répond dans une boutique de souvenir. Elle est déménagée à Whitehorse lorsque ses enfants sont partis de la maison. Quelques années plus tard, son fils est venu s’installer et maintenant, c’est au tour de sa fille! Ça la rend bien heureuse de pouvoir voir ses petits-enfants aussi souvent qu’elle le veut. Les francophones ne sont pas un phénomène rare au Yukon. Il y a même une association Franco-Yukonnaise qui rédige un journal bimensuel, l’Aurore Boréale. De retour au McDonald’s… Il y a un homme, non, une armoire à glace aux cheveux longs, poivre et sel, qui se tient sur le bord du comptoir. J’ai bien dit : il SE TIENT sur le bord du comptoir. Je pense qu’il regarde Ben mais encore là, c’est difficile à dire. Ça a demandé beaucoup de concentration pour comprendre qu’il tentait de nous expliquer comment nous rendre à Muncho Lake. Mais la charmante tuque à Ben était un SOUVENIR, pas une demande d'information! J'avais hâte d'avoir mon cornet de crème à glace...

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Commentaires

AnnMa 15 Apr 2009

Moi mon ami (réponse au 11 octobre 2008), ce sont vos fautes d'orthographes qui m'attristent, et le fait que vous n'avez certainement pas regarder la vidéo avec deux vos yeux parce que si vous portez attention, vous remarquerez que les images bougent... Dans mon dictionnaire, ça ne s'appelle pas "des photos". Mais si, par contre, c'est cette catégorie de média que vous recherchez, rassurez-vous! Il y a une sélection de photos au bas du reportage justement pour les plus curieux comme vous!

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11 Oct 2008

Dommage que cette vidéo ne soit composée que de photos... On dirait un diaporama iPhoto fait avec les photos animées genre Harry Potter avec des transitions au pas de charge. Dans ce cas il aurait mieux fallut ne mettre que des photos qui aurait mieux mis en valeur le texte qui, lui, est de bien meilleure facture. Désolé du commentaire négatif, je le fais uniquement sous le désenchantement et dans un sens constructif.

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David Rock! 10 Sep 2008

Félicitation pour le reportage. Jolie vidéo d'introduction qui ce fait completer par un texte riche en couleurs et reliefs. Bravo!

sam 09 Sep 2008

C'est vrai que c'est pas le premier endroit auquel je rêve, mais à te lire je pourrais avoir de nouveaux rêve...

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Le renard 07 Sep 2008

Tu nous fais sentir bien. On aime ça le Yukon juste à te lire. Paix et joie.

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Colombe 06 Sep 2008

Texte charmant, couvert ici et là, d'une teinte d'humour et de désarroi. La coquinerie dans la description des personnages nous pousse à les aimer déjà bien qu'à bien des égards, ils pourraient certes nous repousser. Beau reportage, sensible, léger et confectionné avec une note brillante de légèreté. Chère Anne-Marie, ne lâchez pas!


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Auteur

AnnMa

Étudiante en communication, passionnée par l'écriture, le café, les voyages, la nature et tout ce qui sort de l'ordinaire. Mon rêve: Le Yukon.